Résistant ou collaborateur ?
Editeur à tout prix
« Je suis un survivant de cette époque terrible et triste qu'il faut évidemment oublier »voici comment Cino Del Duca parle de la seconde guerre mondiale. Une époque terrible, certes, mais malgré tous les bouleversements qui transforment l’Europe, Cino Del Duca poursuit son activité éditoriale. Après une courte interruption en 1940, il relance rapidement son entreprise, d’abord en zone Sud et tout aussi vite dans la zone occupée par les Allemands. Il réussit alors le tour de force de publier ses titres dans les deux zones. Entre 1940 et 1942, il publie cinq titres. Tarzan, l’Audacieux et Les Belles aventures sont les revues de la zone Sud. Hurrah ! et L’Aventureux sont celles de la zone Nord. Chaque magazine est assorti de numéros spéciaux, suppléments, collections à parutions irrégulières. Si ces magazines sont publiés sous des noms différents et par deux sociétés distinctes, c’est parce que la diffusion de la presse entre les deux zones est interdite. Mais les contenus de ces différentes publications sont similaires, toujours de la bande dessinée. Pour réussir à publier en zone occupée, il entre dans la spirale de la Collaboration. Il est en relation étroite avec un fasciste italien qui a des accointances avec les Nazis. En 1942, les restrictions de papier dans la zone allemande entrainent la suppression des titres pour la jeunesse, Hurrah ! et L’Aventureux s’arrêtent. En zone Sud, Tarzan et l’Audacieux sont suspendus car ils ne respectent pas suffisamment la ligne morale de la Révolution nationale. Les Editions mondiales ne publient plus qu’un seul titre, Les Belles aventures, conforme aux attentes du Maréchal Pétain.
Le magazine Sensations
Cino Del Duca est entrainé dans une aventure éditoriale où la Collaboration avec le régime nazi est beaucoup plus marquée. Enrico Panzarasa, son ami fasciste, est gérant de la Sepi, la société qui pilote les publications de Cino Del Duca depuis 1941. Il lance le journal féminin Sensations en juillet 1942. Un magazine de distraction qui rencontre un fort succès et qui entre tout à fait dans la ligne commandée par la Propaganda Abteilung qui surveille les médias français.
Les conditions de cette activité sont inconnues car cette partie de la vie de Cino Del Duca a été soigneusement effacée de sa biographie officielle. L’association avec Enrico Panzarasa est rompue en décembre 1943. Le journal Sensations s’interrompt en avril 1944 pour reparaitre sous un nouveau titre Sentiment. La séparation avec Panzarasa est conflictuelle et elle accélère l’entrée en clandestinité de Cino Del Duca.
A partir de fin 1943, il se cache, la Gestapo le recherche pour son activité dans la Résistance. De nombreuses attestations, écrites après guerre, par ses amis, confirment ce rôle d’agent double. Il fait partie des résistant de la dernière heure et il reste très discret entre 1944 et 1945. Le temps pour obtenir un blanchiment de son activité pendant la guerre, il obtient en 1950 une citation à l’ordre du régiment remise par le ministère de l’Intérieur.